LA CRISE DE L’HUMANITE ET VOIES DE SORTIE
Depuis l’homme du «Connais-toi toi-même» à l’homme du «oser penser par soi-même» en passant par l’homme du «Cogito», l’être humain ne trouve son épanouissement qu’au sein de la sphère sociale. Il est ainsi appelé à cimenter des relations harmonieuses avec ses semblables puisque, cloisonné dans le cercle étroit de son monde, il pourrait manquer à plusieurs critères l’intégrant dans la collectivité humaine. À titre illustratif, le langage, l’organisation, le développement, l’éducation, etc. Disons que la société fait l’homme parce que ce dernier est ce que celle-là fait de lui.
Nonobstant, il est navrant de constater que cet être dont l’essence est de «vivre-avec » se rend de plus en plus assassin du bien-être collectif. Ce comportement rusé entraîne de monstrueuses conséquences sur l’humanité tout entière. À titre exemplatif les tueries sont devenues monnaie courante, la criminalité est presque vidée de sa connotation négative, la vie étant sabotée au profit de l’assouvissement des appétits égoïstes. L’homme actuel fonde sa vie sur la mort de son voisin. Alléguons sans ombre d’aucun doute que le monde contemporain est le théâtre de l’humiliation de l’homme par l’homme. Il va donc sans dire que l’homme est en train d’intégrer dans sa définition des réalités qui contrarient ce qu’il est supposé être.
Au regard de ce qui précède, il ne nous semble pas illégitime de parier que si rien n’est statué pour arrêter la recrudescence de la cruauté de l’homme, l’humanité sera vouée à la disparition. Il convient donc que des solutions plausibles soient mises sur pied. En effet, face à la méchanceté dont l’homme est victime de son semblable, de nombreuses questions agitent les esprits épris de paix et de justice.
Pour résoudre notre problème, abreuvons-nous à la source marcellienne intitulée : Les hommes contre l’humain. Dans celle-ci, notre penseur expose son inquiétude face à la conduite biaisée de l’homme actuel. Consterné par les situations dramatiques de son temps, ce penseur français propose ses pistes de sortie de la crise multiforme. Il invite l’homme à effectuer un pèlerinage aux sources, à monter à la surface pour retrouver l’humain dans sa dignité et dans sa plénitude[1]. Voici quelques pistes qu’il propose :
La reconsidération de l’autre comme prochain
Point n’est besoin de rappeler que Gabriel Marcel est l’un des philosophes qui approfondissent l’intersubjectivité. Il place l’autre dans une situation privilégiée de sorte que faire abstraction de lui, revient à faire abstraction de soi-même. Dans ce monde en perpétuelle guerre, il insiste sur l’idée que l’autre m’est utile et que je n’ai pas à vicier la relation qui nous unit. Il s’exprime en ces mots : « contrairement à ce qu’ont pu supposer certains penseurs aveuglés, je ne puis pas être vraiment en paix avec moi-même si je ne suis pas en paix avec mes frères »[2].
En d’autres termes, toute discrimination faite au prochain handicape inéluctablement la relation intérieure que l’homme entretient avec lui-même. C’est dans ce sens que notre penseur invite tout homme à considérer son prochain comme un alter ego. Ce n’est qu’en respectant l’autre comme soi-même qu’on pourrait espérer à un monde meilleur. En fait, le retour à la considération de l’autre comme prochain apparaît vraiment comme la condition d’une approche effective de l’être; comme l’atteste notre philosophe, plus nous nous éloignons du prochain, plus nous nous perdons dans une nuit où nous ne sommes même plus en mesure de discerner l’être et le non-être[3].
De ce qui précède, il ressort que le prochain est celui qui me permet de me réaliser dans ma vie. C’est pourquoi, je ne dois pas l’éliminer de la place publique. L’homme ne doit donc pas céder à la tentation de nuire à son prochain car il ne peut prétendre à une autoréalisation. L’homme a toujours besoin d’un guide. Ainsi tous les mortels, en général et les Africains, en particulier, devraient être mobilisés par la conviction que l’être humain n’est pas une monade solitaire calfeutrée dans sa mêmeté : son existence ne se déploie pas dans un no man’s land. Par contre, il décline son identité en tant qu’un Mit-sein surgissant dans un univers intersubjectif. Celui-ci tranche sur l’égolâtrie, l’indifférence, etc.[4]
L’éducation
Gabriel Marcel considère l’éducation comme un des moyens de sauver l’être humain de la dérive où il se trouve. Ce moyen est d’une importance capitale au sein de toute société. Sans l’éducation, cette dernière est déséquilibrée. La société produit des individus loyaux ou non selon qu’ils ont bénéficié ou non de l’éducation. La visée de Marcel est que l’on puisse se donner à l’éducation d’un groupe réduit de personnes pour se rassurer de l’avoir persuadée. En fait, les masses sont facilement manipulables. Allant plus loin, notre auteur propose l’éducation de l’individu. En effet, comme on peut l’atteindre facilement, on peut toujours croire à ce qu’il émet comme jugement sur certaines réalités. De même, il peut se laisser transformer par ce qu’il reçoit de son éducateur. « Seul l’individu, ou plus exactement la personne est éducable »[5].
QU’EN EST-IL DU CONGO ?
La République Démocratique du Congo n’est pas à l’abri des situations inhumaines dont nous venons de faire allusion plus-haut. Depuis quelques décennies, notre pays est en proie à des guerres interminables et injustifiées. La situation humaine se dégrade de plus en plus. Ce qui étonne davantage est que le Congolais s’est laissé influencer par la culture de la tuerie. Par vie de conséquence les tueries sont devenues normalisées et n’étonnent presque plus. Pourtant il y a quelques années que le citoyen congolais croyait au caractère sacré de la vie.
Il est temps pour nous chers sœurs et frères de revenir sur nous-mêmes et de lever nos fronts vers le salut national. Pendant ce temps crucial où nous allons choisir celui qui pourra nous gouverner, soyons plus critiques et perspicaces.
[1] Cf. G. MARCEL, Les hommes contre l’humain, Paris, Fayard, 1961, p. 197.
[3] Cf. Ibid., p. 200.
[4] H. NGIMBI NSEKA, Ethique et intersubjectivité. Essai sur les fondements philosophiques de la vie en société. Préface de l’Abbé Stany KANGUDI, Kinshasa, Facultés catholiques de Kinshasa, 2001, p. 7.
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